À l’heure actuelle, l’humanité est confrontée à un défi grandissant : celui de la demande énergétique. Jusqu’à présent, une grande partie de notre énergie est produite à partir de réserves fossiles : charbon, pétrole, gaz. Tôt ou tard, ces réserves viendront à disparaître et le recourt à de nouvelles sources d’énergies non-fossiles paraît donc inéluctable.
Depuis que l’humanité a découvert la puissance de l’atome, deux voies s’offrent à elle pour produire de l’énergie à partir de réactions atomiques. L’une est contrôlée à l’heure actuelle : c’est la fission atomique. L’autre laisse entrevoir la possibilité de la production d’une énergie quasi inépuisable, propre, sans déchets toxiques et qui s’organise autour de vastes projet de coopération internationale : la fusion nucléaire. Tout une promesse. Pourtant, en dépit de nombreux travaux de recherche réalisés dans le monde entier depuis les années 1950, aucune application industrielle de production d’énergie issue de la fusion n’a encore abouti, et on en est très loin. Les preuves de fonctionnement de ces réacteurs restent même encore à faire. La promesse de la fusion nucléaire serait-elle intenable ?
1. Une question d’énergie avant tout
Pratiquement, une réaction de fusion nucléaire nécessite que deux noyaux atomiques dits « légers » s’interpénètrent, pour former un noyau plus lourd. Pour ce faire, il est nécessaire que les noyaux surmontent l’intense répulsion due à leurs charges électriques¹.
Dans ce contexte, les lois de la physique sont formelles : pour espérer surmonter la répulsion électrostatique entre les deux noyaux et faire entrer en jeu les forces d’attraction nucléaire à courte portée, il faut pouvoir générer des températures de plusieurs centaines de millions de degrés².
Lorsque deux noyaux atomiques fusionnent, le noyau résultant se retrouve dans un état énergétique instable et celui-ci doit revenir à un état stable, de plus faible énergie. Le retour à cette stabilité de la matière est réalisé par éjection d’une ou plusieurs particules (photon, neutron, proton, noyau d’hélium, selon le type de réaction). L’énergie excédentaire se répartit alors entre le noyau et les particules émises, sous forme d’énergie cinétique. C’est cette résultante énergétique que l’homme souhaite récupérer et utiliser dans le cadre de l’exploitation de la fusion nucléaire contrôlée.
2. Quels atomes pour la fusion ?
À l’heure actuelle, la fusion nucléaire fait intervenir des noyaux légers, des isotopes³ de l’hydrogène : le deutérium et le tritium. Pourquoi ces atomes et pas d’autres ? La réponse est donnée par l’étude des énergies de liaison entre atomes qui indique que pour les tout petits noyaux tels que les noyaux isotopiques de l’hydrogène, ceux ayant la meilleure section efficace de collision (fusion) sont les noyaux de deutérium et de tritium.
La réaction de fusion deutérium-tritium aboutit à la formation d’un noyau intermédiaire instable qui se désintègre à son tour très rapidement. Cette désintégration donne alors naissance à un noyau d’hélium plus stable, et libère un neutron de grande énergie.
3. Les enjeux
La maîtrise de la fusion nucléaire serait une avancée considérable pour l’humanité, et ce pour plusieurs raisons :
L’existence d’une énergie abondante. La production énergétique issue de la fusion nucléaire contrôlée produirait (à masse égale) une quantité d’énergie quatre à cinq fois supérieure à celle des réactions issues de la fission nucléaire, et plusieurs millions de fois supérieure à celle d’une réaction chimique telle que la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz.
La pérennité des combustibles. Les combustibles de fusion sont universellement disponibles et en quantités quasiment inépuisables. En effet, le deutérium est présent à l’état naturel en quantités importantes dans les océans, et le tritium peut être facilement produit à partir du lithium. Les réserves mondiales en minerai de lithium suffiraient théoriquement à garantir plus d’un million d’années de fonctionnement d’une centrale à fusion⁴. Par ailleurs, quelques grammes de combustible suffiraient pour déclencher et entretenir les réactions de fusion. Ainsi, une centrale à fusion de 1 000 MWe aurait ainsi besoin de 125 kg de deutérium et de 3 tonnes de lithium (contre 2,7 millions de tonnes de charbon pour une centrale thermique de même puissance) pour fonctionner toute une année.
Une énergie propre. Les réacteurs de fusion nucléaire ne produisent pas de déchets radioactifs de haute activité à vie longue. Les produits de la fusion eux-mêmes (principalement de l’hélium) ne sont pas radioactifs. Les déchets potentiels se limitent, lorsque la réaction utilisée émet des neutrons, aux matériaux environnants, qui peuvent capturer ces neutrons et devenir à leur tour des isotopes radioactifs. Ainsi, les parois du réacteur heurtées par les neutrons deviendront faiblement radioactives. Mais elles pourront être recyclées dans les cent ans suivant leur retrait de l’installation ; ce qui est incomparable avec les centaines de milliers d’années nécessaires pour les déchets issus de la fission (le thorium 230 a une durée de demi-vie de 75 000 ans ; le neptunium 237 a une durée de demi-vie de 2.14 millions d’années). Enfin, la fusion nucléaire ne génère pas de CO2 ou d’autres gaz à effet de serre.
Absence de prolifération. La fusion nucléaire n’utilise pas de matières fissiles comme l’uranium et le plutonium (le tritium radioactif n’est pas un matériau fissile ni fissionnable). De plus, un réacteur de fusion ne contient pas d’éléments susceptibles d’être utilisés pour fabriquer des armes nucléaires.
Pas de fusion du cœur possible. Un accident nucléaire de type Fukushima ne pourrait pas se produire dans un réacteur de fusion. Et pour cause, les conditions propices aux réactions de fusion sont difficiles à atteindre ; en cas de perturbation, le plasma se refroidit en l’espace de quelques secondes et les réactions cessent. En outre, la quantité de combustible présente dans l’enceinte est insuffisante pour alimenter les réactions au-delà de quelques secondes. Une « réaction en chaîne » est donc impossible.
Coût. Le coût moyen par kilowatt d’électricité devrait être équivalent à celui issu de la fission. Cependant, la nouveauté technologique devrait engendrer des prix plus élevés, mais on peut raisonnablement penser que les économies d’échelles réalisées grâce à l’expansion de cette technologie devraient progressivement contribuer à diminuer significativement les prix.
Ajoutons à cela que la capacité à produire de l’énergie issue de la fusion nucléaire contrôlée ne dépend pas de la météo, au contraire du solaire ou de l’éolien, et peut être calibrée sur demande.
4. Les limites
La fusion nucléaire contrôlée semble donc pleine d’immenses promesses. Pourtant, si les possibilités offertes par la fusion ont été envisagées en même temps que celles de la fission, c’est cette dernière, plus facile à mettre en œuvre, qui a donné des résultats exploitables bien plus rapidement. Ainsi, il n’existe toujours pas de centrale à fusion industrielle à l’heure actuelle, et les réacteurs existants sont tous des réacteurs de recherche (ou démonstrateurs). Pourquoi cela ? Ceci est principalement du fait des défis scientifiques et technologiques que pose l’exploitation même de la fusion. Voici un petit tour d’horizon des principaux défis :
Lors des travaux de mise au point de la fusion contrôlée, les ingénieurs et les chercheurs se heurtent à trois difficultés majeures : 1) la température, 2) la densité et 3) le confinement. En effet, pour atteindre les réactions de fusion il faut d’une part atteindre une température suffisante (des millions de degrés Celsius) dans un espace confiné (la chambre torique du réacteur), et en même temps obtenir une densité de fusion suffisante (il faut un minimum de réactions par intervalle de temps), ainsi qu’un temps suffisant de confinement de l’énergie (il ne faut pas que l’énergie ainsi créée s’échappe trop vite du système et le milieu doit garder l’énergie créée suffisamment longtemps). Or, à l’heure actuelle, les expérimentations de fusion effectuées ont montré que ces contraintes peuvent être atteintes… mais séparément.
De plus, pour que la fusion nucléaire puisse être énergétiquement rentable, il est nécessaire que l’énergie produite soit supérieure à l’énergie consommée pour l’entretien des réactions. Il est notamment fondamental d’éliminer toute possibilité de pertes thermiques vers le milieu extérieur. Au sein d’un réacteur de fusion, il est ainsi indispensable d’éviter tout contact entre le milieu de réaction et les matériaux de l’environnement. On parle de confinement immatériel⁵.
Figure 1 : En haut : représentation en coupe du démonstrateur ITER. En bas : l’intérieur du tokamak européen JET. Le cœur du tokamak est constitué d’une chambre à vide en forme d’anneau. À l’intérieur de cette chambre, les particules qui composent le plasma, électriquement chargées peuvent être confinées et contrôlées par des bobines magnétiques placées autour de l’enceinte. On tire parti de cette propriété pour maintenir le plasma chaud à l’écart des parois de l’enceinte. L’énergie générée par la fusion des noyaux atomiques est absorbée sous forme de chaleur par les parois de la chambre à vide. Tout comme les centrales électrogènes classiques, une centrale de fusion utilise cette chaleur pour produire de la vapeur, puis, grâce à des turbines et à des alternateurs, de l’électricité.
Enfin, à l’heure actuelle, on ne sait pas fabriquer de matériaux pouvant résister assez longtemps au rayonnement et au flux de neutrons libérés au cours de ces réactions. Il apparaît donc inévitable de devoir changer les parois assez fréquemment ainsi que les différents circuits, également endommagés, et il y aura ainsi un volume de déchets produits à haute activité radioactive pour une durée d’une centaine d’années environ. C’est ce qui fait que les opposants au principe de fusion nucléaire contrôlée remettent en cause l’éventuelle instabilité des réacteurs qui pourrait résulter de la grande difficulté à y maintenir un plasma à très haute température. Selon eux, le phénomène de « disruption » serait en mesure de provoquer un conséquent préjudice sur l’installation.
Les travaux de recherche menés actuellement à travers le globe ont notamment pour objectifs de trouver des matériaux moins réactifs aux réactions du plasma de fusion et donc au final moins radioactifs.
5. Les démonstrateurs expérimentaux
Depuis les années 50, les avancées scientifiques et technologiques ont permis de développer des démonstrateurs capables de produire du plasma et de le chauffer. Une des grandes difficultés restant à résoudre réside actuellement dans le confinement de ce plasma au sein du réacteur.
Historiquement, le Joint European Torus (JET) de Culham au Royaume-Uni, entré en service en 1983, – issu de la collaboration entre 20 pays d’Europe – est le premier réacteur type tokamak à parvenir à créer une fusion contrôlée à partir d’un mélange deutérium-tritium, puis à obtenir le meilleur bilan énergétique avec un facteur d’amplification Q⁶ = 0,65 (cf. note ci-dessous pour plus d’explication sur ce facteur). À l’heure actuelle, l’objectif assumé par des installations comme JET, ou encore le tokamak japonais JT-60 (ou JAERI pour Japan Atomic Energy Research Institute) est d’atteindre au minimum un facteur Q=1.
En 1986, l’objectif affiché de produire une plus grande quantité d’énergie que celle consommée pour générer le plasma de fusion, a donné naissance au projet d’envergure ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) situé sur le site de Cadarache en France et impliquant 35 pays. Le projet de recherche ITER s’inscrit dans une démarche à long terme visant à l’industrialisation de la fusion nucléaire. Le principal objectif de ce projet est, dans un premier temps, de dépasser le seuil de rentabilité, le fameux facteur Q, afin de prouver que la fusion nucléaire peut être utilisée comme une nouvelle source d’énergie.
En outre, les ambitions de ce projet vont beaucoup plus loin puisque ITER devrait être en mesure de produire une énergie de fusion de 500 mégawatts pour seulement 50 mégawatts consommés⁷, et être capable de chauffer le plasma à quelque 150 millions de degrés Celsius, soit un facteur Q égal à 10 !
Le calendrier d’ITER fixe la date de production expérimentale du premier plasma pour décembre 2025, et cette première phase d’exploitation devrait permettre de mener de nombreuses expériences scientifiques. Le début de l’exploitation en deutérium-tritium est quant à elle prévu pour 2035, et à cette date ITER devrait lors être en mesure de fonctionner à pleine puissance.
Dans l’éventualité où les expérimentations avec ITER portent leur fruit, un autre réacteur de fusion nucléaire pourrait prendre sa place d’ici 2040. Il s’agit de DEMO (pour Demonstration Power Plant), un réacteur qui devrait fonctionner en continu et, contrairement à ITER, être relié au réseau électrique. DEMO devrait être en mesure de produire au minimum une énergie de fusion de 2 Gigawatts pour un facteur Q égal à 25 !
Toutefois, la conduite du projet ITER rencontre d’innombrables difficultés, notamment du fait des contraintes associées à l’envergure internationale du projet. D’une mise en service prévue en 2016 pour un budget initial de 5 milliards d’euros, le projet affiche à l’heure actuelle un budget de 20 milliars d’euros pour un démarrage ajournée à 2025. Les expériences à grandes échelles devront attendre 2035…
Par ailleurs, malgré un premier objectif affiché d’un facteur Q > 10, il est indispensable d’obtenir un rendement de facteur Q > 40 pour que la commercialisation d’une centrale à fusion puisse être envisagée…
Parallèlement à ITER, d’autres projets de recherche expérimentaux internationaux sur la fusion contrôlée ont abouti à la construction de nouveaux démonstrateurs qui ont pour objectif de produire davantage d’énergie qu’ITER (un au Japon, un en Chine et un en Allemagne).
Le Japon a ainsi prévu de mettre à niveau de son réacteur tokamak JT-60U (Japan Torus-60 Upgrade), qui est l’équivalent du réacteur JET.
La Chine a produit également son propre tokamak (construction achevée en 2006). En février 2016, elle a annoncé que ce réacteur, le Experimental Advanced Superconducting Tokamak (EAST), avait réussi à maintenir pendant un peu plus de cent secondes le plasma de fusion à une température de 50 millions de degrés Celsius.
L’Allemagne (également impliquée dans l’ITER) a inauguré, en décembre 2015, le Wendelstein 7-X. Ce réacteur est à l’heure actuelle capable de chauffer un plasma à 100 millions de degrés Celsius, mais pendant un temps plus court que le réacteur chinois.
Ces 3 démonstrateurs constituent avant tout des expériences scientifiques et n’ont pas pour objectif de produire de l’électricité. Les résultats qui en découleront risquent donc d’être décisifs pour le futur de la recherche en fusion nucléaire. D’autant que ces projets ont déjà demandé des efforts financiers conséquents. Il est donc compréhensible que la collectivité attende des résultats tangibles qui justifient ces investissements. S’ils ne sont pas au rendez-vous, il sera peut-être difficile d’envisager la poursuite des recherches à grande échelle.
6. Les projets industriels
Si aucun démonstrateur n’est encore parvenu à maîtriser le procédé de fusion contrôlée pour produire de l’électricité, et s’il fallait encore faire la preuve du formidable effet de levier économique que représenterait la fusion nucléaire contrôlée, plusieurs industriels se sont récemment attelés à la tâche.
En 2014, Lockheed Martin a affirmé avoir trouvé un nouveau moyen de créer des champs magnétiques susceptible de mieux confiner le plasma, offrant ainsi la possibilité de créer un réacteur de fusion qui pourrait tenir dans un espace beaucoup plus petit que les réacteurs actuels. Cependant, l’annonce a suscité beaucoup de scepticisme dans la communauté scientifique. Notamment du au fait que le type de confinement utilisé sur ce projet a déjà été étudié et testé par le passé sans donner de résultats probants.
Le MIT travaille actuellement sur un nouveau concept de réacteur à fusion nucléaire (ARC ou Affordable, Robust, Compact), huit fois plus petit que le réacteur ITER actuellement en chantier, fournissant, selon le laboratoire, une même puissance pour un quart du coût. L’élément de différenciation important par rapport aux démonstrateurs actuels réside dans l’utilisation d’un nouveau matériau constituant les aimants super-conducteurs qui permettent le confinement du plasma, autorisant une augmentation du champ magnétique à la puissance 4. Le MIT estime donc que cela permettrait, notamment, de concevoir des réacteurs bien plus petits (environ la taille d’un semi-remorque) et moins cher qui seraient commercialisables d’ici quelques dizaines d’années seulement.
L’Université de Washington travaille sur un projet de réacteur (Dynomak) dont l’intérêt réside dans le fait que le courant électromagnétique chargé de maintenir en place le plasma circule à l’intérieur de celui-ci, et ne serait pas situé à l’extérieur comme c’est le cas dans les démonstrateurs de recherche ; ce qui permettrait de concevoir un système plus petit que les réacteurs de type tokamak généralement utlisés et à coût moindre.
Parmi les projets industriels prometteurs, nous pouvons également citer le projet porté par l’entreprise Tri Alpha qui a confiné un plasma porté à une température égale à 10 millions de degrés Celsius pendant cinq millisecondes dans un réacteur utilisant un champ magnétique inversé (une technologie complètement différente de celle d’ITER). Une performance qui peut sembler modeste, mais qui n’était jusque-là qu’à la portée des grands groupes de recherche.
Dans ce contexte de recherche industrielle sur la fusion contrôlée, quelques-uns des grands patrons de la nouvelle économie misent des sommes importantes dans le développement de ces technologies.
Peter Thiel, le cofondateur de PayPal a investi plus de 10 millions de dollars, à travers son fonds Mithril Capital Management, dans Helion Energy, une société implantée dans l’État de Washington. Paul Allen, le cofondateur de Microsoft et créateur du fonds Vulcan Capital, a déjà financé les recherches de Tri Alpha à hauteur de 40 millions de dollars. Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, a mobilisé 20 millions de dollars de son fonds Bezos Expeditions sur le projet de General Fusion.
Ces investissements stimulent la recherche mondiale sur la fusion et peuvent potentiellement créer des percées technologiques dans les matériaux supraconducteurs qui seront applicables également dans d’autres domaines (médecine, transport, …). De la même manière que les programmes spatiaux ont permis de développer de nouvelles technologies dans d’autres domaine, la fusion nucléaire sert aujourd’hui d’incubateur technologique. Et l’industrie a bien compris que, malgré une absence de garantie de succès de la fusion contrôlée, les retombées technologiques et économiques seront quasiment certaines.
7. Conclusion
De toute évidence, l’avènement de la fusion nucléaire contrôlée constituerait une solution viable et radicale au problème énergétique de l’humanité. Mais quant à savoir si on est encore proche ou loin du but, il est difficile de répondre à la question à l’heure actuelle. Les difficultés techniques et technologiques à résoudre sont immenses et beaucoup trop nombreuses. Par exemple, d’une part, la physique des plasmas n’est pas bien maitrisée, et d’autre part le choix et l’utilisation des matériaux nécessaires au confinement ne sont pas encore arrêtés. Et ce n’est que pour parler que de ces deux points majeurs.
Pour autant, ce serait conclure trop hâtivement que cette incertitude équivaut à un échec programmé, car les progrès sont lents mais réels. Ainsi, quand au 18ème siècle les premières tentatives de vol planés reflétaient les balbutiements de l’homme dans son rêve de conquérir les airs, il était alors inconcevable pour l’époque, d’imaginer les révolutions technologiques successives, et ce dans différents secteurs, qui permettent aujourd’hui à l’homme de voler à près de 900 km/h dans un avion pressurisé et climatisé, de faire le tour du monde en quelques jours, ou encore d’aller sur la lune et peut-être même sur Mars. Ces prouesses qui ont rendu l’impossible réalisable renforce l’idée selon laquelle « tout ce qu’un homme est capable d’imaginer, d’autres hommes seront capables de le réaliser⁸ ».
Contacts : Pascal Bally · Vincent Weber
¹ C’est le phénomène dit de « barrière coulombienne ».
² Pouvant représenter 10 fois la température moyenne du soleil.
³ Les isotopes sont des atomes qui possèdent le même nombre d’électrons et de protons, mais un nombre différent de neutrons. Les isotopes d’un même élément ont des propriétés chimiques identiques mais des propriétés physiques différentes (stabilité ou radioactivité notamment).
⁴ Les réserves de lithium situé dans la croûte terrestre permettraient l’exploitation de centrales de fusion pendant plus de 1 000 ans ; les quantités présentes dans les océans pourraient répondre aux besoins pendant des millions d’années).
⁵ Le confinement immatériel peut être soit magnétique soit inertiel. Dans le cadre du confinement magnétique, ce sont des lignes de champs magnétiques qui confinent efficacement le plasma à l’intérieur du réacteur (c’est le cas des réacteurs tokamaks par exemple). Dans le cadre du confinement inertiel, l’énergie est apportée par un faisceau de lumière laser à une bille de combustible, ce qui déclenche la production d’un plasma très dense mais de très courte durée (au contraire du confinement magnétique qui produit un plasma de faible densité mais sur un temps assez long).
⁶ Le facteur Q est un facteur d’amplification. Ce facteur correspond à l’énergie produite par rapport à l’énergie consommée. Lorsque Q=1, il y’a autant de puissance produite que de puissance injectée : c’est le break-even. Lorsque Q est supérieur à 5, la puissance fournie par la fusion compense la puissance injectée : le bilan devient positif et le réacteur devient producteur d’énergie. Lorsque l’énergie fournie par les noyaux d’Hélium (appelés aussi particules alpha) suffit à entretenir le plasma à température, il n’est alors plus nécessaire d’injecter de l’énergie : c’est « l’ignition » (Q → ꝏ).
⁷ De plus, ce réacteur devra aussi permettre de tester des solutions aux problèmes de stabilité du plasma, de génération interne de tritium, et de tenue des matériaux subissant le flux neutronique, qui sont de véritables défis sur les plans scientifique et technologique.
⁸ Citation apocryphe, généralement attribuée à Jules Vernes.